Macron au Mexique: «Instaurer une relation privilégiée avec Sheinbaum, comme avec Lula» (Eleonore Caroit)

On n’attend plus que les dates officielles de la part de l’Elysée: le Mexique doit recevoir la visite du président français Emmanuel Macron, sans doute en novembre, avant ou après la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Belem au Brésil (10-21 novembre). L’occasion pour la France de renforcer les liens bilatéraux sur fond de guerres commerciales imposées par le président américain Donald Trump à coup de tarifs douaniers à deux chiffres. Entretien avec la députée des Français d’Amérique Latine, Eleonore Caroit (Renaissance).

Q. Quelles thématiques pourriez-vous suggérer au président de la République pour préparer son premier déplacement officiel au Mexique?

R. Lorsque j’ai été élue en 2022, le président de la République n’était encore pas venu en Amérique latine, à l’exception d’une réunion multilatérale à Buenos Aires (le G20 en 2018, ndr).

J’avais dit au président Macron qu’il fallait absolument qu’il s’intéresse à l’Amérique latine, et en particulier au Mexique.

C’est un pays qui a un rôle très important à jouer avec la France aujourd’hui, dans le contexte de la guerre commerciale que nous impose le président Trump, et de guerre tout court dans certains pays du monde et aux frontières de l’Europe.

Je pense qu’il est essentiel que le président – qui s’est déjà rendu deux fois au Brésil et va s’y rendre à nouveau en novembre – vienne au Mexique pour renforcer les liens économiques bilatéraux.

Au total, 39 des 40 sociétés du CAC 40 sont présentent au Mexique. Mais il y a aussi plein de TPE, PME, des entreprises qui sont créées chaque jour, et des Français qui arrivent avec des projets entrepreneuriaux dans ce pays. Et je pense que c’est important que le président vienne en soutien.

Sur le plan politique, il est fondamental qu’une relation de confiance s’instaure et se consolide entre le président Macron et la présidente Claudia Sheinbaum. Ils peuvent avoir des désaccords sur le plan politique. Ce n’est pas la question. Il est important que la leader d’un pays aussi puissant que le Mexique ait une relation privilégiée avec le président de la République, comme il peut l’avoir avec Lula et d’autres dirigeants.

Q. Quelle réponse le président pourrait proposer au Mexique face aux guerres commerciales lancées par le président américain ?

R. Les échanges entre la France et le Mexique ont encore un potentiel de croissance très important, en termes de vente de produits mexicains en France et d’installation d’entreprises mexicaines en France, et à l’inverse.

En plus, contrairement au Mercosur, qui est un véritable repoussoir politique en France aujourd’hui, l’accord entre le Mexique et l’UE est un accord de nouvelle génération, qui prend en compte notamment la dimension environnementale, des sujets de réciprocité, etc. Il faut se servir de cet instrument-là pour renforcer notre coopération économique. Il faut une impulsion politique.

Je pense que le président Macron va tout de suite saisir le potentiel de développement de cette relation.

Il y a énormément d’opportunités pour les entreprises françaises, avec le savoir-faire français en matière de développement durable, en matière de transition énergétique.

Aujourd’hui, par exemple, j’étais sur le site photovoltaïque de ENGIE, à mi-chemin entre Puebla et Mexico, qui peut être développé dans d’autres endroits du pays.

Le Mexique a des besoins auxquels les entreprises françaises peuvent répondre.

Certes, ça sera une visite qui pourra être très symbolique, mais qui devrait aussi permettre la signature d’un certain nombre de contrats.

Les agences françaises, comme l’AFD, qui sont présentes au Mexique, pourraient l’être davantage avec, justement, cette impulsion politique qui pourrait être donnée dans le cadre du bicentenaire de l’établissement des relations diplomatiques en 2026.

Q. La France peut-elle aider le Mexique à réduire sa dépendance commerciale avec les Etats-Unis?

R. J’en suis profondément convaincue. On ne va pas changer la réalité géographique, ni la réalité historique entre le Mexique et les États-Unis, qui est aussi une histoire d’une diaspora mexicaine aux États-Unis, de liens humains.

Mais les liens entre la France et le Mexique existent également, ils sont très profonds, et pas toujours simples. On a une histoire qui est aussi faite de guerres, mais surtout d’une volonté de travailler ensemble. Et aujourd’hui, la relation est excellente entre la France et le Mexique.

Je pense que c’est effectivement un message à faire passer aux Mexicains, de leur dire: venez voir en France ce qu’on est capable de faire.

Malgré un contexte compliqué, la France reste le pays le plus attractif d’Europe pour la sixième année consécutive. La France, qui attire des investissements étrangers, notamment asiatiques, peine encore un peu à attirer les investissements mexicains, même si le Mexique est le premier investisseur d’Amérique latine en France. Je pense que l’Amérique latine pourrait faire encore plus.

Q. Quelle est la particularité du Mexique dans votre circonscription des Français d’Amérique latine?

C’est le pays qui a la plus grande communauté française, une communauté qui est à la fois très ancienne, installée ici depuis des générations et des générations, mais qui est aussi très dynamique, avec des Français qui arrivent en permanence, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays.

Le Mexique reste un pays très attractif, même s’il est encore assez méconnu en France.

Q. Question de politique intérieure. Le Premier ministre vient d’annoncer un plan d’économie de 43,8 milliards d’euros pour 2026 afin de ramener le déficit à 4,6 % du PIB contre 5,8 actuellement. Les oppositions agitent déjà la menace de la motion de censure. Votre analyse?

R. C’est déjà un constat assez courageux sur l’état du déficit public et sur la nécessité d’assainir le budget de l’État et de réduire la dette. Pas parce que c’est une question idéologique, mais parce que ça nous coûte extrêmement cher.

Q. C’est l’argument habituel…

R. En fait, c’est plus qu’un argument, c’est une réalité.

On aura une attitude, évidemment, constructive pour que cela puisse aboutir à un budget qui soit raisonnable. Maintenant, il faudra voir quel est le rôle qui est donné au Parlement. Et j’espère que ce rôle-là sera à la hauteur de ce qui est attendu. C’est un Parlement qui est difficile, un Parlement qui est très divisé, avec 11 groupes politiques, des partis qui sont aussi dans de la politique d’affichage: censure? pas censure?

Mais pour moi, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est comment construire un budget qui tient la route pour notre pays ? Évidemment que certaines propositions peuvent être intéressantes. Il y en a d’autres qui le sont beaucoup moins.

Q. Est-ce que les efforts d’économies peuvent touchés les services publics rendus aux Français de l’étranger ou le rayonnement de la France dans le monde (rapatriement d’urgence, maintien du réseau diplomatique, financement de la CFE et des établissements scolaires français)?

R. Je me battrais pour que l’impact soit le plus réduit pour nos compatriotes. Je me battrais pour que ces budgets qui sont limités, raisonnables et nécessaires soient maintenus. Pour les priorités qui sont pour moi l’accès à l’éducation, à la santé, la possibilité de retourner en France, de garder un lien avec la France. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé une proposition de loi qui revient sur les droits des Français de l’étranger, qui en tout cas propose qu’on les sanctuarise. Et ce n’est pas une question d’être irréaliste sur le plan budgétaire.

Q. La France insoumise propose d’imposer les Français de l’étranger sur le modèle des Etats-Unis avec leurs propres ressortissants. Vous êtes évidemment contre l’imposition universelle. Pourquoi?

R. Parce que c’est un impôt qui est très difficile à collecter, même pour les États-Unis, alors que le dollar est la monnaie de référence. Il n’est pas du tout dit que cela rapporterait beaucoup compte tenu des difficultés structurelles de la collecte.

Ensuite, parce que ça jette une forme de suspicion sur les Français de l’étranger, c’est un peu alimenter la caricature qui est portée par LFI notamment, mais aussi par le Rassemblement National, qui voudraient que les Français de l’étranger soient tous des exilés fiscaux, etc. Alors que l’on sait très bien que dans la majorité des cas, ce n’est pas du tout la réalité.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *